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Sur la Route du Thé et des Chevaux
Sur la Route du Thé et des Chevaux
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3 mai 2009

Vers Kangding

Après un court passage dans une vallée pour faire quelques courses, une lessive, et une halte dans un restaurant... on repart vers un nouveau col. Depuis Moxi, petite bourgade en pleine expansion du fait de la présence d'un parc naturel et donc de touristes, on veut atteindre Kangding, qui est considérée comme la porte d'entrée de la zone tibétaine du Sichuan.

On s'élance sur cette route ne sachant absolument pas ce qui nous attend. On voit juste sur notre carte qu'on va longer une rivière puis en retrouver une autre un peu plus loin qui nous mènera à notre but. En décrypté, cela signifie qu'on va remonter une vallée, passer un col, et redescendre une autre vallée. Comme on a changé de province, on a du racheter une nouvelle carte. Sur celle-ci, on n'a carrément plus de distance indiquée ! Au moins, ça ne nous induit pas en erreur, mais c'est un peu déstabilisant. 1 cm correspond à 8.5 km, autant dire que les virages et autres lacets des cols ne sont pas indiqués ! Notre seule certitude est que quand on longe un cours d'eau, la route est a peu près droite, et donc on peut évaluer la distance.

On y va donc, confiant comme toujours. On n'est absolument pas inquiet de ce qui peut nous attendre. On connaît nos capacités et nos limites, et notre autonomie. On a 4 repas dans le sac, ce qui est évidemment très peu, mais en général on trouve des micro-boutiques avec l'essentiel, et au pire, on sait qu'on peut toujours aller toquer à une porte. Et si la zone est déserte, et bien on marchera le ventre creux !

rue

La première étape est courte, on a démarre à 15h, il pleut et on arrache quelques 10 km ! Le lendemain, on quitte le dernier village. C'est le 1er mai, et les Chinois ne travaillent pas. L'ambiance est bonne dans la rue, on a rarement vu autant de villageois dehors, qui déambulent simplement. On sent que même les travaux de champs attendront le lendemain. Comme on l'avait prévu, la route remonte une vallée, qui devient rapidement très sauvage. On est encore sous les nuages, et ce qui nous attend ne présage rien de bon. Vers 2500 m d'altitude, on entre dans les nuages, et il se met à pleuvoir. Il est midi, on fait une pause pour déjeuner. En on repart avec nos ponchos, ruminant contre cette saleté de bruine qui mouille quand même ! Depuis qu'on est dans le Sichuan, le temps n'est vraiment pas au beau fixe, et quand on entend nos copains nous parler des premiers pic-nics et autres barbecues, asperges et rhubarbes, on repense avec une pointe d'envie au joli mois de mai de nos contrées ! Mais pas pour longtemps, tant notre voyage est palpitant !

midi

Il pleut, il pleut bergère, et ça monte ! Sale temps pour être dehors. Vers 17h30, on aperçoit une fumée de feu. Comme s'il n'y avait pas assez de brume, il faut encore qu'on nous rajoute de la fumée ! Trêve de plaisanterie, on va profiter de cette aubaine pour aller se sécher un peu. On trouve alors une espèce de cabane. Le "propriétaire" est là. Un berger, d'une cinquantaine d'années. 

Ce bivouac est tombé à pic. L'abri n'est autre qu'une structure en bois, sur laquelle sont tendues des bâches en plastiques. Il y deux ouvertures, de part et d'autre du tunnel. Du coté aval on fait le feu. Le reste de la tente abrite des ustensiles de cuisine, des sacs de farine, de riz, quelques légumes, des couvertures, le matériel de battage des chevaux et quelques effets personnels du berger. Deux chiens de chasse sont là aussi, enroulés en boule en attendant la prochaine sortie. La machette est sûrement l'outil le plus précieux de notre hôte, qui la manie à merveille : pour couper du bois, tailler des baguettes (pour manger), etc.

tente

Comme la pluie forcit, on traîne un peu sous cet abri. Le berger était en train de se faire à manger à notre arrivée. Une marmite sur le feu, avec quelques feuilles (type épinard), et des galettes de pain pétri sur place qui ressemblent au final à des gnocchis. Le tout est bien sur agrémenté de toute la crasse des mains du cuisinier, de cendres et autres bouts de bois qui tombent dans la marmite. Il est 18h30, et c'est tout naturellement que le berger nous tend 2 bols et des baguettes fraîchement taillées dans des branches. On sait alors qu'on va passer la nuit ici. C'est comme ça, l'invitation à dîner inclut une invitation à dormir. La soirée se passe tranquillement. Cet homme a des vaches et de chevaux qui pâturent dans le coin. Il vit certainement de la vente de ces bêtes et de la chasse. On ne saura pas s'il habite là toute l'année, mais on doute qu'il y passe l'hiver. En tout cas, il est tibétain, et déteste les Han, qui sont des voleurs voire même des assassins (!). La soirée se passe devant le feu qui fume et pique les yeux car le bois est détrempé. L'homme est peu bavard, nous n'avons guère envie de briser le silence avec nos questions.

cabane

Vers 20h, la pluie se transforme en neige. Il tombe des gros patins comme on dit à Chamonix. Le berger nous annonce alors un bon 10 cm pour le lendemain matin, et plus de 50 cm au col. Il nous conseille de rester là un jour de plus... On se couchera donc ne sachant ce qui nous attend, mais avec un sentiment d'être au milieu de nulle part, dans une bulle de "confort" par rapport à ce qui nous entoure. Le lit est un amoncellement de branchages, recouvert de sacs de jute et toiles diverses. C'est parfait, on y dormira comme des bébés !

paysage 2

L'aube pointe à 6h, et notre hôte quitte sa couche. Nous aussi du coup. Le paysage est époustouflant. 10 cm de neige ont poudré les alentours. La brume s'est dissipée et on découvre enfin ce qui nous entoure : des vallées profondes et des sommets à plus de 7000 m pour certains. Le berger s'affaire, pour refaire du feu, et préparer à manger. Ce matin, ce sera du riz avec les restes d'hier soir. Il a aussi cuisiné une pleine marmite de polenta, qui refroidit dans un coin. Le thé est toujours au coin du feu, prêt à être servi. Mine de rien, quand on n'a pas une super cuisine équipée, tout cela prend du temps, et on ne décollera qu'à 9h ! Il semble très sceptique sur nos chances de passer le col, à 5h de marche. Demain, dit-il, la neige aura fondue. La proposition est alléchante, mais on hésite à abuser plus longtemps de son hospitalité. On le salue, en lui disant qu'on va voir et que peut-être on reviendra ce soir !

Les premiers pas se font sous le soleil. On en profite, qu'ils sont beaux ces paysages ! Lunettes de soleil et odeur de la crème solaire nous rappellent une journée de ski ! Mais rapidement, c'est la brume. On mettra 4 h pour atteindre le col. Quelques motards téméraires passent aussi, et plus tard de rares voitures. A défaut de trouver 50 cm de neige, on s'enfonce dans 20 cm. Le col culmine à 3830 m, et on dépasse là le record d'altitude d'OTHER ! 2200 m de dénivelée depuis la vallée. Nos cuisses bien entraînées n'y ont vu que du feu.

philippe  yaks

La descente se fait rapidement, et bientôt on atteint les pâturages de yaks et la neige fondue. Comme d'habitude, le retour à la civilisation est difficile. On a marché 37 km aujourd'hui, entre 3000 et 3830 m d'altitude, et on n'a qu'une envie, retourner dans ces montagnes ! La ville grouille de touristes chinois qui profitent des 3 jours de week-end offerts par le 1er mai. Que de bruit, que d'agitation, on a déjà hâte de repartir !

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