Les marchés
On a eu la bonne surprise à plusieurs reprises d'arriver dans un bourg un jour de marché. Et bien, c'est la fête ! Les marchés se tiennent généralement une fois par semaine dans chaque bourg. Par bourg, on entend des villes réparties tous les 30 à 60 km environ, et disposant de tout le confort nécessaire pour des marcheurs comme nous : un hôtel (douche chaude en option), des épiceries pour ravitailler, des restaurants pour se faire plaisir, le fameux poste de police qui nous en fait voir de toutes les couleurs en ce moment (est-ce dû aux évènements au Tibet ? enfin, rien de grave rassurez-vous), et parfois un accès internet.
Bref, dans ces bourgs se regroupent à jours fixes vendeurs et acheteurs, et tout un bric à brac.
La foire aux bestiaux est relativement impressionnante, mais ne vaut pas le Salon de l'Agriculture et ses boeufs dépassant la tonne et demie. Disons qu'ici, un gros boeuf équivaut à une vache normande qu'on voit dans toutes les pubs... Ce différentiel de gabarits est vrai pour tous les animaux, les yunnanais se feraient battre à plate couture par leurs homologues franco-français. Seules les poules s'en sortiraient haut la patte, se nourrissant dans les poubelles elles atteignent un poids confortable. Deux raisons à cela : le polystyrène les fait gonfler, et elles ne sont pas abattues à 56 jours comme nos poulets de table !
Bref, on trouve à la foire aux bestiaux des bovins, des porcs, des caprins, une large gamme de basse-cour, et bien sur des chevaux et mules en tout genre. On voit aussi quelques moutons faire leur apparition. Ici, pas un animal ne ressemble à son voisin. Beaucoup de diversité, et c'est tant mieux pour nos yeux curieux et peut-être même pour les paysans locaux.
La foire comprend aussi le marché aux fruits et légumes. En ce moment, les légumes sont locaux, mais les fruits sont importés du sud de la Chine, soit à quelques 500 km d'ici. On trouve donc des oranges et mandarines (c'est parfait pour notre dose journalière en vitamine C, pas de scorbut à l'horizon !), des ananas, melons, bananes, pommes et des fraises... On s'en fait des compotes sur le réchaud, mais elles ne sont pas fameuses ! A coté du coin verdure, généralement littéralement pris d'assaut, se trouve le paradis du carnivore. Boeufs entiers, pieds de cochons et tripes trônent fièrement sur les étals, au milieu des mouches. Les volailles sont vendues vivantes, et l'acheteur repartira donc avec son canard sous le bras. Enfin, aux bords des lacs, on trouve aussi des viviers : dans quelques cm d'eau grouille quantité de poissons. C'est bien connu, mais on a testé : au restaurant, on choisit son dîner vivant dans un aquarium. Alors il est pas frais mon poisson ?
Et bien sûr, la foire accueille aussi des charlatans de toute sorte, des dentistes qui nettoient les dentiers ou arrachent des dents dans la rue, des vendeurs de poudres de perlimpinpin, et des speakers qui vendent leur camelote en réitérant dans un micro leur prix le plus bas. On apprécie, c'est pratique pour apprendre les chiffres...
Les jours de marché rassemblent les villageois alentours. Ici, l'agitation bât son plein autour de midi, car il faut du temps aux plus lointains pour venir à pied jusqu'à la ville. Une bonne quinzaine de km parfois. Les villageois revêtent leurs plus beaux costumes et c'est un défilé de couleurs dans les rues. A chaque marché, on découvre de nouveaux costumes traditionnels, qui appartiennent à une ethnie ou une branche dérivée. Les conversations vont bon train, et ça discute le bout de gras à chaque étal. La culture locale inclut une certaine notion de négociation, et comme les Chinois parlent fort, on a souvent l'impression que le ton monte, alors qu'il n'en ait rien.
Depuis une bonne centaine de km au sud, les chevaux sont très présents. Ils servent un peu à tout, mais surtout comme animal de bât. A l'entrée des marchés, on voit donc souvent un parking à chevaux, comme dans Lucky Luke à l'entrée des Saloons ! Des dizaines de canassons attendent leurs propriétaires, qui reviennent chargés de biens. Les mules sont alors bâtées avec la même technique qu'il y a 100 ans (et même peut-être plus, en tout cas, c'est pareil que sur les vieilles images de la Route du Thé et des Chevaux), et retournent à leurs chaumières.